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LE STYLE BIRKIN / BIRKIN BAG
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Il se délecte de cette façon bien à elle, « presque littéraire », de parler des formes et des matières, avec cette touche british qui rend tout plus classe. Elle insiste : « Il y a plein de femmes comme moi, qui cherchent ce style passe-partout qui cache nos formes moins sveltes, le costume qui te permet de te pointer à une soirée sans honte d’être, comme dit le dicton anglais, “du mouton habillé en agneau”. » Au passage, elle livre une petite leçon de chromie personnelle : « Que des couleurs qui ne demandent pas de combat. Comme je ne suis pas brune ni star, jamais de rouge, de jaune, d’orange ou de vert. Juste du vert-de-gris pour aller avec la couleur des yeux gris vert ou bleu vert. Et du gris, du marine et du noir, toujours. » Naîtra de ce dialogue un vestiaire composé de neuf pièces (pantalon cargo beige, débardeur en coton, sneakers en toile, etc.) mis en vente en septembre 2022 et très vite épuisé.
Il y a mille raisons plus ou moins rationnelles d’adorer Jane Birkin : en ruant dans les brancards sans jamais se départir d’une sorte de provocation douce, elle a imposé une vision de la féminité singulière et très personnelle, y compris dans le domaine casse-gueule de la maternité. Elle n’a jamais, ô grand jamais, semblé l’esclave des tendances. Au contraire, il y a la manière fascinante dont elle influence la mode depuis les années 1960, ce côté « effortless chic » à rebours de tous les codes traditionnels, qui lui a donné un demi-siècle d’avance sur tout le monde. Comment est-elle devenue une inspiration pour les femmes de tous âges et les créateurs de tous horizons ? Avec une recette qui n’a pourtant rien d’extravagant : « une fille portant un cardigan en cachemire, une vieille paire de jeans, des tennis », résume l’intéressée. Soit. Si c’était aussi simple, ça se saurait.
Jane Birkin est tout sauf une égérie professionnelle mais elle est devenue presque malgré elle une figure du style. Si Catherine Deneuve incarne pour le reste du monde le charme discret de la bourgeoisie française, et Brigitte Bardot une version plus débridée du glamour tricolore, Jane Birkin, née à Londres en 1946, a inventé un style parisien dont le succès ne s’est jamais démenti. Faut-il rappeler que c’est elle qui a fait de Serge Gainsbourg une icône de mode, et non l’inverse ? Certes, il y a ces jolies robes Saint Laurent qu’il lui offrait à intervalles réguliers. Ou ce fameux modèle haute couture en dentelle blanche, porté au bal Proust des Rothschild, en 1971, et sur les marches du Festival de Cannes. Mais la barbe de trois jours, le total look denim et les Repetto pieds nus, sa signature stylistique, c’est à elle qu’il la doit.
Jane est androgyne. Pas de seins, pas de talons, pas de bijoux, peu de make-up, et pourtant, plus sexy, tu meurs. Elle a inventé une féminité qui échappe aux canons de la séduction. C’est encore plus sensible quand elle quitte Gainsbourg pour Jacques Doillon. Dans le deuxième tome de son journal, Post Scriptum, Jane raconte comment elle se prépare pour le Bataclan, en 1987 : « Je ne voulais pas qu’on me regarde comme une fille, j’ai pris une paire de ciseaux et j’ai coupé tous mes cheveux, je l’ai dit à Serge qui est arrivé avec une paire de ciseaux à ongles, et la pauvre Agnès Varda, qui tournait Jane B. avec moi, s’est retrouvée avec une actrice qui ne se ressemblait plus du jour au lendemain, donc ajouts, perruques, moumoutes... » Histoire que le public ne se concentre que sur les paroles et les musiques de Serge sans être diverti, elle enfile un pantalon trop grand, une chemise d’homme Agnès b., un marcel Hilditch & Key et des tennis. Gainsbourg soudain s’affole : « Tu vas faire un effort quand même, tu vas faire briller tes lèvres ? Mettre du gloss ? » lui demande-t-il. Réponse sans ambages : « Non, non ! Comme ça, on n’écoutera que tes chansons ! »
Garçonne mais pas patronne de cabaret ambigu façon Marlene Dietrich. C’est le temps du T-shirt ou de la chemise blanche, des jeans et des Converse. « Quand je vois des photos de moi de 1968, mes grands yeux de poupée soulignés d’eye-liner, la bouche exagérée, la frange, je trouve ça horrible. » Rétrospectivement, elle estime qu’elle est devenue « intéressante » à 40 ans. Elle se met alors à porter des marcels en coton, des pantalons oversize rehaussés d’une fine ceinture en cuir rouge et des baskets sans lacets. Les vêtements masculins allègent l’épreuve du temps. « À un moment donné, il faut savoir renoncer aux robes de dames. Elles vous vieillissent. C’est comme le maquillage, à un certain âge, il faut arrêter de jouer avec les faux cils. Sinon, ça devient terrifiant. »
Paradoxe de la mode : plus Jane Birkin développe sa signature, plus les marques la sollicitent. Le XXIe siècle la voit de plus en plus souvent au premier rang des défilés, quand elle n’est pas carrément sur le podium, comme chez Hermès, où Martin Margiela lui fait porter un col V profond, un T-shirt ample et un pantalon flou, tenue qu’elle semble avoir inventée. En 2018, elle chante au défilé Gucci, événement ainsi consigné par Le Figaro : « Vêtue d’un smoking noir et d’une chemise blanche, la plus frenchy des artistes anglaises s’est tout simplement levée de son siège pour interpréter l’une de ses plus belles chansons, Baby Alone in Babylone. » C’est aussi la chanteuse qu’Hedi Slimane photographie pour son Saint Laurent Music Project, en 2016. Et si c’était la marque d’une politesse au fond très anglaise ? Il faut se souvenir d’une conversation que Jane Birkin eut avec sa mère, et qu’elle rapporte au début de Munkey Diaries. « Lors d’un bombardement, son appartement a explosé, je lui ai demandé : “Tu as pris quoi avec toi ?” Après un temps de réflexion, elle a répondu : “Schiaparelli Shocking Pink Perfume : quand il ne te reste plus rien pour le moral, il te reste le superflu.” » Des années plus tard, quand elle part à Sarajevo, Jane emporte dans son sac à dos des rouges à lèvres Guerlain, des petites bouteilles de parfum, des dessous en soie pour les lycéennes... « Ma mère avait raison, le superflu ! » C’est peut-être la meilleure définition de l’essentiel.
Le Birkin bag.... sac à main de luxe le plus vendu au monde a même fait l'objet d'un livre édité en 2009
En 1984, Jane Birkin et Jean-Louis Dumas, le président de la maison Hermès de l'époque, se rencontrent par hasard à bord d'un même vol entre Paris et Londres. Loin de se douter qu'ils écrivaient ensemble l'histoire d'une icône.
Alors que les effets personnels de Jane Birkin tombent de son sac sur le sol, Jean-Louis Dumas lui conseille : “Vous devriez en avoir un avec des poches”, ce à quoi elle rétorque avec le panache que l'on lui connait : “Que voulez-vous, Hermès ne fait pas de poches”. C'est alors qu'il lui confie son statut : “Mais je suis Hermès”. La jeune maman qui vient de donner naissance à Charlotte Gainsbourg saisit l'opportunité et lui demande pourquoi le maroquinier n'imagine pas un sac quatre fois plus grand que le Kelly mais plus petit que la valise emblématique de Serge Gainsbourg.
Jane Birkin esquisse un prototype improvisé sur un sac en papier. C'est ainsi que les premières lignes du sac Birkin et l'idée même sont nées. Cette entre-vue est suivie de plusieurs rencontres grâce auxquelles le duo donne jour à la pièce qui comble toutes les attentes de la vedette. Elle lui donnera d'ailleurs son nom à la demande de Jean-Louis Dumas. Initialement confectionné en cuir souple noir, l'accessoire se décline au fil des années dans différentes tailles, matières et couleurs. Et toutes ses variantes rencontrent le même succès. Lors du défilé Hermès automne-hiver 2021-2013, l'artiste confiait au Vogue US : "Maintenant, lorsque je vais chanter en Amérique, on me dit Birkini ? Comme le sac ? Je réponds : "Oui, en effet, et le sac va maintenant chanter".
Cet objet est le plus convoité de la maroquinerie. Il s'impose comme l'ultime valeur sûre dans laquelle investir. D'une part pour sa réputation qui le précède, mais également pour son savoir-faire. Chaque pièce est conçue à la main de façon unique par le même artisan qui y appose sa signature. Il faut donc s'armer de patience pour mettre la main sur un sac Birkin. La scène de la série culte Sex and The City est bel et bien une réalité. Souvenez-vous : alors que Samantha admire un Birkin, le vendeur de la boutique Hermès lui indique qu'il lui faudra patienter sur liste d'attente à minima cinq ans pour pouvoir l'obtenir, elle s'outre : “Pour un sac ?”, le vendeur rétorque alors : “Ce n'est pas un sac, c'est un Birkin”.
Car après une décennie de fidélité, Jane choisit de se séparer de son tout premier Birkin, en 1994, pour en faire don à une vente aux enchères au profit de l’association Aids, qui lutte contre le sida. Le modèle, qui porte ses initiales, sort un temps des radars. En 2000, il est finalement acquis par la spécialiste vintage de la boutique germanopratine Les 3 marches, qui se présente sous le nom de Catherine B. Elle offrira aux visiteurs du Victoria & Albert Museum de Londres l’occasion de l’admirer en 2020, lors de l’exposition Bags : Inside and out.
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Japon (2007)
Vente aux enchères (2020)
What inside ? (2017)
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